A l’image d’un annabac, les premières secondes de la première chanson du nouvel album de SAFFRON EYES résument, pour les plus pressés, les thèmes et sentiments qui seront développés sur la petite demi-heure de musique que contient le disque : des sourires par devant, des coups dans le dos, des ruptures à l’amiable et des menaces sourdes.
La chanson s’ouvre sur une batterie qui martèle et un dialogue interprété par une guitare schizophrène. Les toutes premières mesures semblent dire sans trop y croire : “Tout va absolument bien”. La réponse, en mode mineur, ne se fait pas attendre dès les arpèges suivants : “Tout ne va pas si bien, ducon”. La scène est rejouée une deuxième fois pour enfoncer le clou dans nos tympans. Chacun se toise. Ça va se taper. Un ange passe. Fin de l’intro, on attend la chute.
Et c’est là que le chant débarque, sorti de nulle part, avec un petit sourire, pour nous mettre un bol derrière la nuque.
Smile Until It Hurts encapsule tout cela : plaisir d’offrir (des chansons racées et référencées, dans la belle tradition de l’indie rock), joie de recevoir (des tartes dans la gueule).
Si le précédent album Pursue a Less Miserable Life (sorti en 2020 sur We Are Unique! Records) avait un goût de fin d’été, celui-ci sent clairement la guerre froide. Il est dégraissé, désossé et ne subsiste que l’envie d’en découdre, malicieusement camouflée sous une forme de beauté évidente qui se sifflote sous la douche.
Un plan d’attaque complètement cohérent avec la palette sonique que Ives Grimonprez, magicien stéphanois du son et grand maître des studios Apertte, offre à ces chansons : un écrin brut qui ne fait pas le malin et souligne avec élégance le son du quatuor.
Ce son-là ne vient pas de nulle part. Il est le prolongement d’années de mélomanie nourrie au rock indépendant et aux racines de ce dernier (blues, post-punk et un soupçon de doo-wop).
Toujours pour les plus pressés, allez donc jeter une oreille à Run The City pour y entendre un gimmick que les Pixies n’arrivent plus à faire. Revenez sur All I Want (Is a Little Love For You) pour voir à quoi ressemble le rejeton qu’un riff de basse de Jesus Lizard aurait eu avec un refrain de Wet Leg. Enchaînez avec Sympathy For The Losers pour comprendre que Fugazi rêvait en fait de devenir un groupe de pop music. Take a Hammer, Consuela relie les points de l’arbre généalogique entre The Cramps, The Gun Club et La Luz.
Les jolis interludes instrumentaux (le pont de Not The End et l’intégralité de Tied Up to the Thread You’re Weaving Around Me) nous ramène sains et saufs sous le soleil de Laurel Canyon, escale d’un voyage où on aura aussi croisé The Feelies, The Bad Seeds, Kathleen Hanna, Anna Waronker et des amalgames bien digérés de tous ces gens importants.
Ce son-là ne vient pas de nulle part, c’est donc prouvé, mais c’est aussi le prolongement d’années d’activisme musical et artistique de la part des membres de SAFFRON EYES. Le groupe abrite les talents multiples et remarqués de plusieurs formations dont la discographie a su tracer son propre cheminement (Raymonde Howard, Le Parti, ThOmas.W…) dans ce décor de figures imposantes.
Smile Until It Hurts. Sourire à s’en décrocher les pommettes. Comme pour sauver les apparences. C’est le titre idéal pour ce disque fourbe : jouissif, dansant, bien exposé, le tout en bonne compagnie, mais on vous suggère de rester sur vos gardes en permanence. Il s’y planque des surprises à chaque détour de chanson. Et tout le monde est bien ravi de se faire avoir.
Flavien Girard
Trois ans après un premier EP remarqué et convaincant, le quatuor stéphanois Saffron Eyes revient, toujours chez We Are Unique! Records ( qui au passage signe une rentrée 2023 de haut vol après Laudanum et avant le tout aussi attendu Icheliebelove), avec Smile Until It Hurts.
Dès Not The End qui ouvre le disque sur une note d’humour et d’autodérision qui seront régulièrement présents en filigrane, Saffron Eyes annonce une volonté farouche d’en découdre ; avec soi et avec les autres.
Des affres intimes de nos mauvais penchants (Sympathy for the losers, Get out of my head !) à la réalité du monde tel qu’il nous est donné à voir, parfois plein d’envies ( All I Want ( is a little love from you)), plus souvent une abysse inquiétante ( Run The city, Boredom as a game), l’écriture des textes est ciselée et suffisamment évocatrice pour s’y projeter instantanément et sans retenue , et ainsi se laisser complètement porter par l’énergie communicative des compositions musicales.
De ce point de vue également, les dix titres de Smile Until It Hurts sont en tout point impeccables et démontrent que le triptyque basse, guitare, batterie offre un champs de nuances, et de perpétuelles ré-interprétations presque inépuisable quand il est pratiqué avec une bonne dose de sincérité et une plus grande encore de talent.
De l’instrumental légèrement mélancolique et contemplatif Tied up to the thread you’re weaving around me au cœur du disque, à l’impeccable cavalcade Run The city, en passant par le très « Shilla-na-gien » Love is a shed, ou encore la ligne claire presque pop de Nothing Personal jusqu’à la puissance martiale et foudroyante de Take a hammer, Consuela !, Saffron Eyes délivre en une petite demi-heure une démonstration impeccable.
Smile Until It Hurts va donc probablement s’incruster un bon moment pas loin de la platine pour mettre à mal les humeurs vacillantes du mois d’octobre avec ses refrains entêtants et euphorisants, ses guitares aiguisées et cette voix rock enthousiasmante, intemporelle et fascinante. Juste à côté du marteau.
A Découvrir Absolument.
G.Newman
Le rock n’est pas mort. Il renaît simplement. Cette fois, c’est à Saint Etienne et il s’agit du nouvel album de Saffron Eyes.
De la pochette aux chansons, tout respire une certaine classe anglaise. Mais rien n’y fait, sur la carte d’identité de Saffron Eyes, il est bien inscrit : né à Saint-Etienne. Ceci dit, Sainté est peut-être la plus anglaise de nos villes hexagonales, ne serait-ce par cette autre culture ouvrière qu’est le foot et qui transpire bien au-delà du Chaudron. La relégation en L2 ne change rien à l’affaire. C’est cette urgence près de l’os qui donne au post punk du quatuor cet irrésistible accent d’outre-Manche. Les rythmes soutenus, la ligne de basse impeccable et bien mise en avant, l’arrogance naturelle du chant au féminin, livre une belle bataille rock qu’on avait depuis longtemps oubliée. Et en plus, ils savent choisir leur track list. Chaque début de face lance la machine dans la bonne direction : celle d’une épopée revenue à la source du triptyque guitare-basse-batterie des années 80. Chacun des 10 titres lève toute méprise sur leur intention : faire du rock comme si l’échec engendrait un retour à l’usine. Hervé Devallan
Saffron Eyes de Saint Etienne, déjà vanté ICI il y a à peu près 3 ans, remet le couvert. Smile Until It Hurts, dernière fournée en date, voit Raymonde Howard intervenir au chant. Ca marque. Indé de A à Z, post-punk, le disque crache dix titres plutôt frontaux, avec en tête de gondole ce poppy et filant Not The End. Chant à la PJ Harvey, pop-rock au galop, pas besoin de plus. On poursuit, All I Want (Is A Little Love From You) séduit pareillement. Tempo à nouveau appuyé, motifs à la Pixies, résultat imparable. On assimile à peine que Sympathy For The Losers, basse ronde en avant, respire un rock de choix, ni trop bridé ni trop mordant. Bien serti, en tout cas. Alors que Get Out Of My Head!, rapide, minimal et impeccable, aussi bref que percutant, confirme la bonne impression engendrée par le quatuor.
Ce dernier, sans trembler, confectionne des perles. Take A Hammer, Consuela!, ombrageux, menaçant, post-punke (du verbe « post-punker ») à bloc, subtil et sauvage. Smile Until It Hurts, à sa moitié, convainc sans forcer. Tied Up To The Thread You’re Weaving Around Me, en 100 secondes, devrait tout péter. Ah bah nan, il reste sage. Et beau. Bluesy. C’est Run The City, rythmé, qui réinsuffle de l’énergie. Il est aussi mélodieux, tubesque, entrainant. Saffron Eyes, de réussite en réussite, assure une putain de suite. Boredom As A Game, loin de l’ennuyeux, se taille dans la même matière. Rien à jeter, tout à garder. Will Dum
En 2020, Saffron Eyes sortait un Ep, « Pursue a Less Miserable Life » , véritable bijou qui tourne encore sur la platine.
« Smile Until It Hurts », premier album du super groupe stéphanois, enfonce le clou et s’impose comme un classique instantané, qui va briller longtemps dans la galaxie indie-rock. On y retrouve la même tension, le même sens mélodique et la même énergie renversante. A cheval entre power-pop à l’efficacité immédiate et post-punk à la froide martialité. Saffron Eyes cultive le chaud et le froid, la séduction et la brutalité, avec une maîtrise qui force le respect.
Difficile de ne pas contenir son enthousiasme face à un groupe qui rappelle furieusement la cultissime formation britannique Salad. Notamment son album « Drink Me ». Mais Saffron Eyes a bien d’autres cordes à son arc. Et nourrit aussi sa musique de toute la scène alternative américaine des années 90, comme du post-punk de Magazine. Avec cette touche si singulière, une élégance qui n’appartient qu’à eux.
Aussi bien armé, Saffron Eyes renverse tout sur son passage, et s’impose comme l’une des meilleures formations indépendantes en activité en France. En 10 chansons, toutes absolument parfaites, elle érige un son racé, composé au cordeau et porté par le chant habité de Raymonde Howard. « Smile Until It Hurts » apparaît ainsi comme la quintessence d’un post-punk définitivement indémodable.
Yan Kouton
Pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on trouve à Saint-Étienne ? La perfection power pop à l’état pur. Ou bien le pinacle de l’indie rock, selon comment on range ses étiquettes. La mélodie absolue. Simple mais étincelante. Celle qui tue et refuse de sortir de la caboche des jours durant, on la tient à portée de main avec Saffron Eyes. Les Stéphanois avaient fait bien plus qu’impressionner avec Pursue A Less Miserable Life, un premier disque qui, je ne sais pas chez vous, mais sur ma platine avait tourné tourné tourné, en toute saison et bien au-delà de 2020. Trois ans plus tard, avec Smile Until It Hurts, Saffron Eyes fait bien mieux que simplement confirmer. Il nous livre un album encore plus revigorant, intelligent, drôle, frais, léger, touchant et profondément sérieux. Les dix nouvelles chansons sélectionnées ici ont une fois de plus le don d’être simultanément immédiates, faciles d’écoute, cérébrales et riches d’idées. Elles sont ficelées avec une telle justesse que l’addiction sera inévitable et que jamais, ô grand jamais, il ne sera possible d’un jour s’en lasser. Saffron Eyes n’a aucunement besoin d’être comparé à qui que ce soit, mais si vous repensez aux compositions éternelles des Nerves ou de certaines de celles des Feelies de la période post-Crazy Rhythms au cours de l’écoute de Smile Until It Hurts – ou bien à un riff de Hole sur “Love Is A Shed” – , cela n’aura rien d’anormal. Le travail d’orfèvrerie est ici similaire. Tout est minutieusement agencé afin que l’auditeur prenne un plaisir maximal et s’abandonne entièrement. Le jeu de guitare est d’une subtilité effarante, la basse, inflexible, se tient droite et fière, la batterie se fait parfois invisible – la discrétion, dans ce style où il fait bon de ne jamais en rajouter, est le meilleur des atouts – et le chant… le chant… ah ce chant ! Ce putain de chant, on le connaît déjà depuis de longues années ! C’est celui de Raymonde Howard – Laetitia, à la ville -, qui avec Saffron Eyes laisse sa guitare dans son étui et ses pédales de loop au placard. Les mains libres, elle nous fait fondre à chaque mot prononcé. Laetitia, aussi bien que son alter ego Raymonde, possède certes une voix sexy as fuck – et elle le sait, sans pourtant en abuser – mais également un talent pas possible dès qu’il s’agit de s’adonner à l’écriture de paroles. Rassurez-vous, on ne les passera pas ici au crible pour une étude de texte approfondie, mais maîtriser aussi bien la langue anglaise et l’accent (so british) est tellement rare dans notre scène frenchy (but chic!), que ne pas le souligner serait un acte criminel. La somme de tous ces éléments, ou plutôt ce mariage quadrilatéral, crée un sentiment inhabituel. On jurerait que chaque musicien, altruiste, ne joue que dans le but de mettre en valeur les trois autres ; oui, le chant est inclus en tant qu’instrument, toujours. Un véritable jeu d’équipe, en somme, et du beau jeu, du très beau jeu collectif ! Avec comme résultat une musique exaltante que l’on vous recommandera d’écouter en bagnole, au boulot, en ville, dans la nature, à la plage, dans les transports en commun, à la maison. Seul ou entre amis. Elle est idéale pour danser, rêvasser, bouquiner, écrire, batifoler, prendre une douche, dormir, faire la vaisselle, le linge, le ménage, du vélo ou du tricot. On pourra aussi éventuellement l’écouter juste pour l’écouter, et laisser tomber tout ce que l’on a à faire, pendant 30 minutes de plénitude véritable.
Ce qui pourra rendre Saffron Eyes encore plus enivrant, c’est d’offrir à peu près à n’importe qui la faculté de tomber raide dingue d’un groupe qui évolue dans un genre musical dont on n’a potentiellement rien à cirer – ce qui est le cas de l’auteur de ces lignes, qui vient tout juste de dévorer un live pétaradant de Big Black et qui, sans transition, va enchaîner Smile Until It Hurts avec le brutal Objects Without Pain de Great Falls. Si votre truc à vous est donc Today Is The Day, Dazzling Killmen ou Don Caballero, mais que votre queue frétille dès que le nom de Juliana Hatfield est suggéré, il y a de fortes chances pour que vous vous souveniez d’être également muni d’un cœur. Car tout ce que ces quatre Stéphanois veulent, en définitive, c’est un peu d’amour (regardez donc ci-dessous).
Bil Nextclues
Je pourrais être accusé de copinage, tant les liens entre Froggy’s Delight et Saffron Eyes sont importants. Je dis toujours que je n’aime pas perdre une minute de temps à présenter un groupe que je déteste alors que je veux passer une heure à présenter un groupe que j’aime. C’est le cas pour Saffron Eyes.
J’avais déjà beaucoup aimé leur EP sorti en 2020 : Pursue a less miserable life. J’ai eu le plaisir de les voir en concert cette année à Saint-Etienne et j’avais hâte de découvrir leur album Smile until it hurts à la pochette aussi belle que surprenante. Ils nous ont proposé un clip pour le titre “All I want (is a little love from you)” où on retrouve leur univers fait d’humour alors que le titre n’est pas aussi léger que pourrait le laisser paraître le clip.
Musicalement, cet album est bien évidemment influencé par les groupes qu’ils aiment allant des Pixies à Fugazi en passant par Wet Leg ou The Cramps et The Gun Club. Des influences multiples associées aux différents groupes dans lesquels ils jouent : Raymonde Howard, Le Parti ou Thomas W. C’est une pop rock énergique et il me semble que les basses sont cette fois plus présentes. Les textes abordent des sentiments forts : sourire par devant et coups dans le dos, des ruptures à l’amiable et des menaces sourdes. Ils n’en font pas des caisses et nous entraînent en 10 titres et 26 minutes dans un tourbillon jouissif.
Leur pochette est formidable. L’album a été enregistré par Ives Grimonprez au studio Appertte à Saint-Etienne bien sûr. Le quatuor stéphanois joue à Paris le 26 octobre, le 27 à Metz et le 9 novembre à Lyon, au Trokson et je vous conseille de les voir sur scène, l’énergie de Laetitia est communicative.
Coco Lys
Interview du groupe avec l’émission Sans cible sur la radio Férarock de Saint Etienne Radio Dio.
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