Best-of laudanum

Au début des années 2010, notre label enrôle son super pote Philippe Raimond et son projet ichliebelove qui couche enfin ses morceaux barrés sur un premier album Life-Enhanced solutions. Pour le coffret de nos 10 ans, We Are Unique! is 10, c’est tout naturellement vers Matthieu que nous nous tournons en 2011 pour le remix de Ichliebelove, qu’il réalisera de main de maître sur le titre Alternate Key. En 2015, il sera même à la guitare sur le titre Natural du deuxième album de Ichliebelove, Wax and Wane.

Alors lorsque nous avons appris que Matthieu cherchait un label pour l’épauler pour ce 4^ème album de laudanum, suite à la fin de l’aventure de Monopsone en 2020 (qui nous a nous aussi rendu très tristes et nous fait nous sentir encore plus seuls), et qu’aucune autre structure ne se montrait intéressée et que Matthieu allait se résigner à le sortir tout seul en autoproduction, nous avons décidé de ne pas laisser cette injustice arriver. Injustice car laudanum, c’est juste le seul projet français crédible en réponse aux Anglo-Saxons et leurs projets collaboratifs tels que UNKLE ou encore au Your Love Means Everything de Faultline. Parce que sur ce nouveau 4^ème album décliné en 3 volumes, il y a des artistes qu’on respecte énormément (Aidan Moffat, Scout McCloud entre autres) et d’autres que l’on découvre et qui sont pétris de talent. Alors cette fois-ci, pas de videur qui lui interdira l’entrée dans la salle, bienvenue Matthieu avec laudanum au sein de la famille We Are Unique!

laudanum – Le projet du 4^ème album

L’excavation entreprise par Matthieu Malon des raretés, reprises et démos de laudanum, ces quatre dernières années, aura permis au chanteur orléanais de renouer avec le souvenir d’une structure qu’il avait délaissée de- puis 2009 et l’excellent album Decades. A l’époque, et pour ce troisième album de laudanum, Malon avait officié en solo, abandonnant ce qui faisait jusqu’ici la substance du groupe : les rencontres, les collaborations. D’aucuns diront que Decades était une rencontre entre Malon et lui-même, ayant déterminé l’émergence du formidable auteur qui s’imposerait ensuite avec Peut-être Un Jour (2014) et les Jours sont Comptés (2016). On ne peut pas écarter cette hypothèse mais toujours est-il qu’en gagnant Malon, on a perdu l’une des têtes chercheuses les plus emballantes du paysage rock et électro du début des années 2000… mais pas pour toujours.

C’est bien l’ADN de laudanum qui a donné à Matthieu Malon l’envie d’y revenir : le souvenir d’une ou deux invitations à concourir qui n’avaient pas abouti et fini sur les disques, l’idée des chansons qui auraient pu advenir et qui n’étaient pas nées, le souffle des voix fantômes qui faisaient chambre à part depuis tout ce temps, des mails échangés, des coups de fil, des sourires, des fichiers qui déboulent en pleine nuit de l’autre bout du monde, poussés au maître d’œuvre par des amies, des idoles, des héros d’au-delà les mers, qui repartent comme des missiles et des cadeaux surprise puis reviennent avec une voix, un son, une âme.

Cette nouvelle trilogie laudanum, qui paraîtra dès le 23/08/2023, sous la forme de 3 volumes distincts, à raison d’un tous les 2 mois, est imprégnée de cette excitation-là : c’est une main tendue permanente, qui reçoit et qui donne, une main électronique, mais qui n’est plus dominée comme jadis par les seules machines. Le nouveau laudanum est moderne et transgenre. Il est synthpop, rock, electro, ambient, cold wave, cuivré et surtout tendu vers une cohérence totale entre les voix amies et les musiques qui font penser aux meilleurs travaux exploratoires de Bowie ou de Depeche Mode. C’est plus particulièrement aux ambiances sombres et habitées des Soulsavers auxquelles on pense ici assez souvent qui avaient accueilli en leur temps Dave Gahan (Depeche Mode) et Mark Lanegan. Laudanum fait au moins aussi bien avec deux featurings marquants portés par Jim Johnston de Monk & Canatella et Scott McCloud de Girls Against Boys. Il se pourrait que ces deux-là aient inspiré à Malon le désir de s’y remettre. Elles figurent en bonne place sur as black as my heart, le premier volume de la trilogie, aux côtés des prestations inspirées de Sarah Hum et Bastien Crinon à l’ouverture.

Le casting est un des éléments clés de l’entreprise mais ne se conçoit jamais chez laudanum comme un tableau de chasse ou un étalage de relations huppées. On retrouve ainsi aussi bien des artistes comme Aidan Moffat (Arab Strap) ou Pete Astor (The Loft, The Weather Prophets) qui font l’objet d’un culte chez les amateurs de rock indé que des contributeurs pointus tels que le génial Allemand Angela Aux (Inselgruppe) échappé de son projet Aloa Input (Morr Music), David Best (Fujiya & Miyagi), la fascinante franco-libanaise Eliz Murad (Teleferik) ou la chanteuse Chloé Saint-Liphard (Collection D’Arnell Andrea). Mais il y a aussi des samples et des voix qui n’existent pas, des silences et des voies sans issue. La trilogie dessine un territoire vaste comme le monde qui brasse des nationalités, des genres, des horizons mais aussi des époques qui vont des années 70 à un futur indistinct où s’exprime un formidable désir d’exploration et de connaissance.

La trilogie, avec ses 26 morceaux, ne cherche pas tant à atteindre une unité de ton et de thèmes qu’à suggérer l’étendue d’un réseau musical créatif, bouillant et synchrone qui déborde de tous les côtés. On pense à l’écoute de l’ensemble à l’unique projet équivalent aussi réussi que nous a donné l’histoire récente avec le Dark Night of The Soul porté par Danger Mouse et Mark Linkous de Sparklehorse. C’était en 2010, soit à peu près au moment où laudanum s’était mis en sommeil.