Le milieu musical stéphanois est étonnamment foisonnant, pour une ville de cette taille. Il n’en est pas moins un microcosme d’humains qui se connaissent souvent, se croisent parfois, voire interagissent.
Les deux auteurs-compositeurs étaient même voisins de quartier, quand Mika n’était pas aux quatre coins du monde en tant que graphiste-tatoueur-illustrateur, et avant que Mickaël ne s’exile pour une année à l’étranger.
Tous deux ont démarré les hostilités à la fin des années 1990, à Saint-Etienne. Mika Pusse lance à l’époque le groupe Pikpus, est produit par Les Têtes Raides, illustre BD et pochettes (notamment pour Enob), et démarre une longue série de collaborations avec différents artistes (ce qui donnera les duos Lèche Moi et La Heimlich).
Mickaël Mottet commence un parcours analogue, initiant à côté de Angil and the Hiddentracks une flopée de projets musicaux (The John Venture, Angil Was A Cat…), radiophoniques, voire pluridisciplinaires, comme des concerts dessinés avec Guillaume Long.
C’est donc assez naturellement qu’un beau jour de printemps 2022, Mika demande à Mickaël de lui composer des musiques sur mesure.
Pusse est alors dans une période de jachère artistique, et cherche à renouveler son désir. Il explique à Mottet le projet musical qu’il fantasme : un monstre en tuxedo, un Sinatra qui raconterait des horreurs, bref, un crooner dégueulasse.
La proposition tombe à point nommé pour Mottet, qui vient de terminer avec sa compagne Schérazed la création de Whatever Together, le second album de Lion in Bed, et s’apprête à vivre une parenthèse enchantée sur l’île de Malte. Ainsi naît The Mikes.
L’obsession du moment pour Mottet est l’artiste américain Earl Sweatshirt, un poète bizarre qui rappe sur des boucles bancales, souvent dénuées du sempiternel beat hip hop. Il décide d’appliquer une méthode ressemblante pour The Mikes. Il échantillonnera pour Pusse d’improbables samples tirés de comédies musicales britanniques, de chanteurs à succès des années 1970 ou de son groupe préféré, Broadcast, et y ajoutera des accords d’un piano qui aurait été récupéré dans un cabaret délabré et serait resté miraculeusement accordé.
Mickaël envoie ses propositions au fil de l’eau à Mika, qui rédige et enregistre dans un premier temps quelques textes en anglais, avant d’avoir une épiphanie, par le truchement du morceau N’en parlons plus. C’est décidé, le crooner sera français. Il racontera dans la langue d’Emile Ajar et en basse-baryton ses sombres histoires de ruptures, de déceptions et de lumineux cauchemars.